TENSIONS
Coronavirus : le virus de la xénophobie dans une Afrique du Sud sous confinement
La voiture s'est engouffrée derrière la grille de la chapelle, aussitôt happée par une forêt de bras. Un à un, ils arrachent les sacs qui débordent du coffre et de la banquette arrière et les alignent comme à la parade à même le sol de la cour.
- Société

Crédit Photo : Luca Sola
Des volontaires du Forum de la diaspora d'Afrique préparent des repas pour les migrants le 21 mai 2020 à Johannesburg.
Pour les familles hébergées dans cette petite paroisse du quartier de Mayfair, tout près du centre de Johannesburg, c'est l'heure de la distribution des colis alimentaires. Dans le regard des femmes et des enfants, une lueur de soulagement. Celle de ceux qui vont manger à leur faim.
"Ici, beaucoup de gens souffrent à cause du confinement. La plupart sont migrants ou réfugiés et ils ne peuvent pas travailler", explique leur porte-parole, Alfred Djanga. "Avant, ils étaient employés dans des boutiques ou ils vendaient au coin de la rue. Mais ils n'en ont plus le droit", poursuit cet avocat de 50 ans, qui a quitté la République démocratique du Congo il y a dix-neuf ans. "Sans papiers, ils n'ont pas d'autre choix que de faire la manche".
Pour ralentir la pandémie de coronavirus, l'Afrique du Sud vit depuis deux mois sous confinement. Même assoupli récemment, il a mis au chômage forcé des pans entiers de la population du pays, considéré par la Banque mondiale comme le plus inégalitaire de la planète. Dans les quartiers les plus pauvres, nombre de ceux qui vivaient au quotidien de petits boulots ont faim. Parmi eux, beaucoup d'étrangers venus du reste de l'Afrique tenter leur chance dans la première puissance industrielle du continent.
"Discriminés"
A la tête d'un Forum de la diaspora africaine, le Somalien Amir Sheikh a organisé dans l'urgence la solidarité. "Dès le début du confinement, on a commencé à faire à manger pour les migrants, puis on s'est lancé dans la distribution de colis alimentaires", dit-il dans le bureau de l'école coranique du quartier de Mayfair qui lui sert de quartier général. Chaque semaine, son réseau, financé par des organisations religieuses, fournit 3.500 colis et 750 repas aux migrants.
"C'est très important car tous ces gens sont délaissés", regrette Amir Sheikh. "La faim n'a pas de couleur, mais le gouvernement d'Afrique du Sud nous discrimine à cause de notre pays d'origine, affirme-t-il. On ne pouvait pas rester les bras croisés." Dans le cadre d'un plan d'urgence inédit, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé la mise en place de distributions de nourriture et d'une allocation mensuelle de 350 rands (18 euros) pour les plus démunis.
Ni le chef de l'Etat, ni ses ministres n'ont évoqué la moindre condition de nationalité pour en bénéficier. Mais migrants et ONG sont catégoriques: ces aides sont de fait exclusivement réservées aux Sud-Africains, alors que la nation "arc-en-ciel" rêvée par Nelson Mandela compte quelque 4 millions d'étrangers, pour la plupart sans titre de séjour.
Dans un township de Lenasia, dans les lointains faubourgs de Johannesburg, Edward Mowo, 49 ans, vit de ses mains expertes, qui rendent vie aux télévisions, radios ou téléphones condamnés à mort par le commerce officiel.Sous le toit de tôles ondulées de sa baraque, ce Zimbabwéen confie avoir du mal à nourrir sa femme et ses trois enfants. "Les gens ne travaillent plus, ils n'ont plus d'argent, alors comment voulez-vous que je sois payé ?"
Avec l'AFP
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