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ENTRETIEN

RDC: M23, affaire Beya, présidentielle 2023, Claudel André Lubaya répond à LSI AFRICA

Claudel André Lubaya, 54 ans, est un acteur politique Congolais qui n'a pas sa langue dans sa poche. L'ancien journaliste, aujourd'hui député à l'assemblée nationale a répondu sans langue de boa à nos questions. De la situation à l'est de la République démocratique du Congo, à sa probable candidature à la présidentielle de 2023, en passant par l'affaire Beya et son positionnement sur l'échiquier politique de la RDC, Claudel André Lubaya dit tout. ENTRETIEN.

Crédit Photo : Droit tiers.
Crédit Photo : Droit tiers.

Claudel André Lubaya.

LSI AFRICA : Monsieur Lubaya Claudel André, que vous inspire la situation dans l'est de la République démocratique du Congo ? 

M. Lubaya Claudel André : la détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est du pays, avec tout ce que cela comporte comme conséquences depuis plusieurs années est consécutif à la faillite, mieux à l’absence de l’État. Les différents régimes qui se sont succédé depuis 1960 n’ont pas réussi à bâtir dans les limites de nos frontières, un État digne de ce nom, avec ses fonctions régaliennes.  

Le M23 est connu des autorités et des populations congolaises depuis plus de 10 ans. Les différentes autorités ont-elles laissé pourrir volontairement la situation ? 

Les autorités congolaises d’aujourd’hui et d’hier ont péché par leur opacité dans la gestion de la question M23, en tenant le parlement à l’écart de ces conciliabules qui en réalité n’engagent pas l’État congolais. Ils ont pris des engagements en catimini qui leur explose aujourd’hui au visage. Ils ont fait des promesses des postes dans le gouvernement, les entreprises publiques et dans les forces de défense et de sécurité. Par naïveté et mauvaise appréciation de la situation, le Président Tshisekedi a préféré discuter directement avec Kigali à qui il a tout donné, oubliant que derrière Kigali, se cachait la nébuleuse M23. 

Quelle est, selon vous, la racine du problème ? Les minerais dans le nord Kivu?

Ce mal qui ne date pas d’aujourd’hui et qui ne peut être mis sur le dos du nouveau pouvoir de Kinshasa trouve son origine dans des luttes pour le contrôle des riches gisements miniers, des terres sols et pâturages). L’exiguïté du territoire rwandais et sa surpopulation aiguisent naturellement ses velléités à entretenir une certaine anarchie dans l’Est pour s’en assurer le contrôle 

Le Rwanda est accusé de soutenir le M23. Paul Kagame dit le contraire. Qui est derrière le M23 selon vous ? Le Rwanda ou des forces étrangères au continent africain? 

On n’a pas besoin de lunettes ni de jumelles pour chercher et voir qui est derrière le M23. Plusieurs rapports, aussi bien des experts des Nations-Unies, de la Monusco comme de la société civile ont établi avec certitude la présence et le soutien dont bénéficie le M23 de la part du Rwanda et de l’Ouganda, pourtant alliés de Kinshasa avec qui ils entretiennent un marché des dupes

Le Congo a-t-il aujourd'hui les moyens de mener une guerre face au Rwanda, lorsqu'on sait que l'armée manque de moyens adéquats ? Paul Kagame est-il fréquentable ? 

N’ayant pas, jusqu’à ce jour, mis en place une stratégie holistique de défense mieux de sécurité nationale en se dotant des politiques, ressources et moyens de sa défense, je doute que la RDC soit prête à s’engager durablement et de façon conséquente, dans une aventure militaire contre n’importe quel pays. Nous devons nous donner le moyen de construire notre système de sécurité qui est quasi inexistant. Le Président Paul Kagame est chef d’un État dont les puissances occidentales principalement font l’éloge. Le Président Tshisekedi avait également, au cours d’une interview sur France 24, affirmé qu’il était fréquentable. Dans tous les cas, le Rwanda ne peut vivre sans le Congo, et vice-versa. Les deux états sont condamnés par l’histoire commune à cohabiter dans la paix et la sécurité mutuelle.

Martin Fayulu a déclaré je cite :« Cette répétition d’agressions de notre pays est essentiellement due à la faiblesse de l’Etat et du leadership à la tête du pays ». De son côté, le FCC, à travers Marie-Ange Mushobewa  :« dénonce la gouvernance chaotique, irresponsable et sans vision du président Tshisekedi et de son gouvernement, gouvernance dont cette guerre est la triste conséquence.».   Lubaya Claudel André, quel est votre avis sur la gestion de cette crise par Félix Tshisekedi et son gouvernement?

Les deux politiques ont raison en partie, bien entendu. L’honnêteté intellectuelle nous oblige à reconnaître que le M23 n’est pas et n’a jamais été une invention du Président Tshisekedi. C’est plutôt un héritage qu’il a, hélas, mal géré en s’interdisant, pour des raisons qui lui sont propres, une évaluation objective de la situation et en décidant, d’entretenir comme son prédécesseur, de couvrir d’une chape d’opacité, une question aussi importante. La conséquence logique, c’est que cela lui explose aujourd’hui au visage et le met en mal avec l’opinion publique interne qui est exigeante et intransigeante sur sa souveraineté et sur l’intégrité de son territoire. 

Qu'attendez-vous de la médiation angolaise ?

 Je ne me fais aucune illusion sur l’issue de la médiation angolaise qui s’enlise d’ailleurs et qui, à la première rencontre, n’a pas réussi à concilier les vues entre belligérants. Résultat : il n’y a pas eu de communiqué conjoint ; chaque partie a dit de son côté ce qui lui plaisait et finalement, la feuille de route de Luanda a été rejetée par le Rwanda et le M23. 

A l’issue du sommet de Luanda, le M23 affirme que ce cessez-le-feu annoncé le 6 juillet « ne l’engage pas ». Votre réaction. 

Le M23 a son agenda qu’il tente d’imposer aux autorités congolaises, ce qui explique son rejet du cessez-le-feu annoncé le 6 juillet. Il veut la réintégration de ses éléments militaires dans nos forces armées, chose à ce jour que le gouvernement congolais ne peut pas accepter, tirant les leçons du passé. C’est cela le principal point du désaccord, mieux le nœud gordien.

M. Lubaya, comment se porte l’Union Démocratique Africaine Originelle? Quel est votre positionnement sur l'échiquier politique Congolais ? Mouvance, centriste ou opposition ? Kabiliste ou Tshisekediste ? 

Très sincèrement, le parti se porte bien. Depuis notre congrès de refondation l’année dernière, le parti a entamé sa mutation dans son organisation et son fonctionnementafin de répondre à l’impératif de le préparer pour les batailles à venir. Au plan idéologique, l’UDA Originelle a migré vers le libéralisme et le progressisme, en faisant de « l’Homme-la liberté-la patrie » son socle républicain sinon son marqueur identitaire. C’est notre doctrine. Elle est à la fois la ligne de crête et un déterminant de notre ligne politique. C’est à l’aune de cette dernière que l’on peut mesurer et comprendre au mieux notre positionnement sur l’échiquier politique congolais, qui fait de l’UDA Originelle, une organisation républicaine, à contre-courant. Ce qui compte pour nous, est prôné dans notre triptyque autour « L’Homme-La Liberté-La Patrie ». A chaque fois qu’un pan de cette trilogie est menacé ou renforcé, elle impose de notre part soit une dénonciation en cas de menace ou une convergence progressive en cas d’un renforcement certain. Notre désaccord avec les autres forces politiques est d’ordre éthique et moral. 

On ne saurait réaliser cet entretien sans évoquer l'affaire Beya. Qu'est-ce que cela vous inspire ? 

En lisant mieux la réponse à la question précédente évoquée sur notre positionnement politique, vous pouvez comprendre et cerner la motivation derrière notre intervention dans l’affaire Beya. En effet, le principe de la liberté comme socle de la Démocratie demeure sacré pour nous. Lumumba le disait si bien, «la liberté est cet idéal pour lequel depuis des générations, les hommes ont su se battre et mourir». Ce prédispose que nul n’est au-dessus de la loi et paradoxalement nul ne peut subir l’arbitraire. Le retour d’expérience de 50 dernières années de l’histoire politique de notre pays est plus clair à ce sujet. Des hommes et des femmes ont été exécutés à l’ombre pour des luttes politiques. Dans le cas de BEYA, le montage est grossier, et ses incohérences visibles à l’oeil nu. Quand on parle de ‘’coup d’État’’, il y a un contexte, une convergence d’intérêts, une logistique et une motivation, bref un lien étroit entre des personnes. Or ici, on parle des joues, du lait et du fufu, qui ne sont en rien des éléments constitutifs d’un complot. Le fait de les évoquer discrédite les services qui les ont montés et révélés les insuffisances de notre système de sécurité. Certes, on peut monter un coup, mais il faut y mettre de la forme et de l’intelligence, en trouvant également les mots appropriés. Ce qui n’est pas le cas pour l’affaire BEYA. Il s’agit de mon point de vue d’un règlement de compte contre une personne jetée en disgrâce auprès de son employeur. Et même ça, il y avait moyen de le faire proprement. Hélas. 

La présidentielle programmée théoriquement en décembre 2023 est déjà dans les têtes. Selon vous, Tshisekedi « encore ou Stop » ?  Envisagez-vous de vous présenter ? 

Théoriquement, les élections auront lieu décembre 2023. A la question de savoir Tshisekedi «encore ou stop», je n’en suis pas le déterminant. Mais comme observateur et acteur de la scène politique congolaise, je considère pour ma part qu’une élection ou réélection se joue sur base d’un programme ou un bilan dans les conditions établies. Serais-je ou pas candidat ? Il reviendra aux instances du Parti, en temps opportun, de statuer sur notre comportement électoral. Ces élections tant attendues s’annoncent mal : on déplore l’absence d’un large consensus sur les principales réformes dusystème électoral, partant de la désignation des juges constitutionnels passant par celle la désignation du bureau de la CENI à l’adoption de la loi électorale. 

En guise de mot de fin, quelle est votre proposition pour sortir de la crise ?

Je n’ai pas la prétention d’avoir la meilleure solution à ce problème. J’estime pour ma part que nous devons, en interne, organiser notre défense pour faire face aux multiples agressions dont notre pays est l’objet depuis plusieurs années. Notre diplomatie doit être recalibrée pour être à même d’engranger des victoires sur ce front en obtenant de nos alliés traditionnels, outre les condamnations, le retrait sans condition du M23, à l’instar du RCD après les deux guerres. Dans l’absolu,seule la refondation de l’État demeure le remède qui vaille à long terme. 

Propos recueillis par Alexandre Meunier.

Commentaires (1)

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Derniers commentaires

EM
Emmanuel

Aujourd'hui la RDC a besoin des gens comme honorable Lubaya pour aider la nation , le président Tshisekedi doit faire tout pour approcher les gens honnêtes avec leurs expériences pour aider le pays, Claudel c'est un politique qui défend encore les valeurs démocratiques et qu'on ne peut pas ignorer par le régime en place surtout pour sa prise de position dans le bon.
Dans la rédaction vous mentionnez : ancien journaliste, député national , n'oubliez pas aussi qu'il fut ancien gouverneur du Kasaï occidental.
Un homme expérimenté.

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