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RAPPORT

Routes sabotées, blocus du carburant : la stratégie d’asphyxie du JNIM à Kayes

Attaques coordonnées, sabotage d’infrastructures, blocus économiques : dans la région de Kayes, carrefour vital entre Bamako, Dakar et Nouakchott, le Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM) impose une stratégie d’asphyxie. Cette montée en puissance, documentée par le Timbuktu Institute, révèle l’affaiblissement des forces armées maliennes et menace la stabilité des pays voisins de l’Alliance des États du Sahel (AES).

 

Crédit photo : Timbuktu Institute.
Crédit photo : Timbuktu Institute.

Située à l’extrême ouest du Mali, la région de Kayes représente la deuxième contribution au PIB national et constitue un carrefour économique majeur grâce au corridor Bamako–Dakar. La Route nationale 1 (RN1) assure à elle seule près de 30 % des importations terrestres du pays, soit 2,7 millions de tonnes de marchandises par an, dont le carburant et les céréales. Selon le rapport du Timbuktu Institute, cette position clé fait désormais de Kayes une cible prioritaire du JNIM.

Attaques coordonnées et blocus annoncé

Le 1er juillet 2025, le JNIM a mené des attaques simultanées contre cinq positions militaires à Kayes et Diboli, à la frontière sénégalaise. Les djihadistes de la Katiba Macina ont ciblé checkpoints, casernes et bâtiments administratifs, perturbant le trafic transfrontalier et prenant temporairement le contrôle de certaines positions. Le 31 août, le sabotage de la RN1 par l’incendie d’engins de chantier de la société chinoise COVEC a contraint les autorités à instaurer un couvre-feu à Kayes jusqu’au 30 septembre, limitant la circulation aux seuls véhicules militaires et ambulances.

Quelques jours plus tard, le 3 septembre, un message audio attribué à Abou Houzeifa al-Bambari a annoncé un blocus sur les axes menant à Kayes et Nioro-du-Sahel. Le JNIM y interdit l’importation de carburant depuis le Sénégal, la Mauritanie, la Côte d’Ivoire et la Guinée, et suspend les activités de la société Diarra Transport, un acteur majeur du secteur logistique.

Des menaces transformées en actes

En quelques jours, ces annonces se sont matérialisées. Le 5 septembre : incendie d’un bus de la société Diarra Transport près de Karangana et enlèvement de six chauffeurs sénégalais entre Kayes et Diboli (relâchés par la suite). La Nuit du 5 au 6 septembre : trois camions-citernes incendiés sur l’axe Bamako–Kayes. Le 6 septembre : diffusion d’une vidéo confirmant la poursuite du blocus, accompagnée de nouvelles attaques sur les axes Sikasso–Bamako et Bamako–Ségou. Selon le Timbuktu Institute, ces actions traduisent une capacité du JNIM à imposer ses règles économiques, notamment par le contrôle de l’approvisionnement en carburant, essentiel à la fois pour les forces armées et pour les civils.

Un État malien fragilisé, un risque régional accru

L’armée malienne, déjà éprouvée par des pertes lourdes à Boulikessi en juin, n’a engagé aucune opération de reconquête d’envergure à Kayes. Le rapport note que cette passivité a permis au JNIM de renforcer son contrôle et de déplacer une partie des flux commerciaux vers des réseaux informels, eux-mêmes taxés par le groupe. Le Timbuktu Institute souligne également les conséquences régionales. Au Sénégal, perturbation du corridor Dakar–Bamako, hausse des coûts logistiques et infiltration possible du JNIM dans l’Est du pays. En Mauritanie, pression croissante autour de Nioro-du-Sahel et risque d’agitation communautaire liée aux réseaux religieux transfrontaliers.

Une montée en puissance inquiétante

Entre 2021 et 2024, le nombre d’attaques du JNIM a été multiplié par sept. En ciblant à la fois les axes routiers, les sites miniers (or, lithium) et les entreprises étrangères, le groupe cherche à affaiblir l’économie malienne, décourager les investisseurs et s’imposer comme une autorité de facto dans certaines zones. Le rapport du Timbuktu Institute conclut que cette stratégie d’asphyxie économique et de blocus progressif pourrait isoler Bamako, fragiliser l’État malien et entraîner une contagion sécuritaire vers les voisins de l’AES.

LSI AFRICA

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