TRIBUNE
Fantasmes et diversion : les théories du complot du général Tiani
Entre fantasmes géopolitiques et rhétorique anti-occidentale, le général Abdourahamane Tiani rejoue, dans un entretien fleuve, le scénario désormais bien rodé du complot impérialiste contre le Sahel. Face à l’isolement de son régime et à la persistance de l’insécurité, le président putschiste multiplie les accusations invérifiables contre la France, les États-Unis et plusieurs pays voisins. À défaut de solutions concrètes, il érige des ennemis imaginaires pour détourner l’attention, entre paranoïa politique et stratégie de diversion.
- Politique

Crédit Photo : Capture d’écran.
Dans un entretien fleuve diffusé vendredi 31 mai à la télévision nationale, le général Abdourahamane Tiani, président de transition au Niger depuis le coup d’État de juillet 2023, a multiplié les accusations à l’encontre de puissances étrangères et d’organisations humanitaires. Pendant plus de trois heures, le chef de la junte a dénoncé un vaste complot ourdi, selon lui, par la France, les États-Unis et plusieurs pays ouest-africains, visant à déstabiliser la région du Sahel par l’intermédiaire de groupes armés.
Accusations sans preuves et scénarios rocambolesques
Le général Tiani a accusé la France d’avoir « planifié des enlèvements d’Occidentaux » au Sahel, citant un mystérieux intermédiaire nommé « Boubacrar Dabounguel » qui aurait recruté trois hommes — Momo, Ibrahim et Oumar — pour enlever un Espagnol dans le sud de l’Algérie et deux femmes européennes à Agadez, au nord du Niger. Aucune preuve tangible n’a été présentée au soutien de ces allégations, qui relèvent davantage du récit conspirationniste que d’une démonstration factuelle.
Dans la même veine, Tiani a évoqué deux réunions supposément secrètes tenues à Abuja, les 25 janvier et 3 février 2025. Il y aurait été décidé, selon lui, de financer et d’armer des groupes terroristes tels que Boko Haram ou l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP), en utilisant des canaux humanitaires. Le général désigne ainsi plusieurs Croix-Rouge nationales comme relais financiers, citant des transferts par comptes basés au Niger, au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Nigeria. Il affirme que certains représentants du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) auraient participé à ces rencontres, justifiant ainsi leur expulsion du territoire nigérien.
Une guerre d’influence médiatique ?
Au-delà du terrain sécuritaire, Tiani dénonce une « guerre communicationnelle » menée, selon ses termes, par les anciennes puissances coloniales. Il accuse Paris et ses partenaires d’orchestrer des campagnes numériques via des journalistes et influenceurs recrutés dans les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) — le Mali, le Burkina Faso et le Niger. L’objectif : saper la légitimité des régimes militaires de la région et contrer leur ambition de « souveraineté ». Le président du CNSP s’en prend également à la CEDEAO, qualifiée d’instrument inefficace entre les mains de l’Occident. À l’inverse, il vante les performances de la force conjointe de l’AES, présentée comme une alternative crédible en matière de sécurité régionale.
Craintes d’un “effet domino” et mise en garde contre l’influence de Ibrahim Traoré
Selon le général Tiani, l’hostilité des puissances occidentales à l’égard de l’AES s’expliquerait par la peur d’un « effet domino » en Afrique si l’alliance venait à réussir. Il affirme que le capitaine burkinabè Ibrahim Traoré est spécifiquement ciblé en raison de son leadership croissant. « C’est son influence qu’ils redoutent le plus », avance-t-il. Le général putschiste n'a pas mentionné les deepfakes, célébrités et fausses informations utilisées pour glorifier le chef de la junte
Un discours qui détourne l’attention ?
Pour de nombreux observateurs avertis de la situation au Niger, cette sortie médiatique du général Tiani, s’inscrit dans une stratégie de communication désormais rodée : désigner des ennemis extérieurs, dénoncer une supposée recolonisation, et se présenter en défenseur d’une souveraineté africaine menacée. Mais derrière les formules grandiloquentes, peu d’éléments vérifiables ont été livrés. Le Niger traverse une crise économique et humanitaire sévère, et l’absence de résultats tangibles sur le terrain pourrait expliquer ce recours répété du général putschiste à la rhétorique victimaire.
Amir MAIGA, à Niamey.
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Derniers commentaires
Soumaila
Je suis juriste, Doctorant r en droit, défenseur des droits humains, j'ai été choqué par cette sortie ratée.. Nigérien j'ai été bouleversé