Publicité

Par la RÉDACTION

Brice Oligui Nguema, Trump et l’image du Gabon : le choc des symboles

Le retour au pays du président gabonais Brice Oligui Nguema, coiffé d’une casquette arborant le slogan de campagne de Donald Trump, a suscité une vive polémique. Ce geste, intervenu juste après une rencontre officielle avec le président américain à la Maison Blanche, interroge sur sa portée symbolique, sa légitimité diplomatique et le message envoyé à l’opinion publique gabonaise comme africaine. La rédaction de LSI AFRICA revient dans cet édito dominical, sur les implications politiques et les perceptions contrastées d’un accessoire devenu, le temps d’un cliché, le centre d’un débat.

Crédit Photo : Capture d’écran.
Crédit Photo : Capture d’écran.

Brice Oligui Nguema.

La politique est souvent une affaire de symboles. Et en Afrique, plus encore, où les postures, les gestes et les images sont scrutés avec acuité. C’est dans ce contexte chargé que le président élu du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema, a fait son retour à Libreville coiffé d’une casquette rouge frappée du slogan « Make America Great Again », emblème du trumpisme pur et dur. Une image saisissante, presque surréaliste, qui a immédiatement déclenché une onde de choc sur les réseaux sociaux et dans les cercles panafricanistes.

Qu'on se le dise, il ne s’agit pas ici d’un simple accessoire de mode. Cette casquette «MAGA» est un symbole politique lourd de sens. Elle incarne l’Amérique de Donald Trump, celle du repli nationaliste, de la confrontation avec les institutions internationales, d’une vision unilatérale des relations mondiales, celle des climatosceptiques, des expulsions de migrants, de l'humiliation de Volodymyr Zelensky.... Que cette image soit affichée par un chef d’État africain à peine rentré d’un tête-à-tête avec le président américain soulève des interrogations profondes : Brice Oligui Nguema a-t-il voulu afficher son admiration ? Son allégeance ? Ou s’est-il simplement laissé emporter par la mise en scène trumpienne ?

Le malaise est d’autant plus fort que cette démonstration d’amitié transatlantique semble à contre-courant de l’air du temps africain. Imaginons un instant les réactions si le président Alassane Ouattara, au retour d’une visite à l’Élysée, arborait fièrement une casquette « Renaissance », en clin d’œil au parti du président Emmanuel Macron. Que n’aurait-on dit sur une supposée vassalisation à l’ex-puissance coloniale ? L'image renvoyée par le général Oligui donne prise à ses détracteurs. Les partisans d’une Afrique indépendante y voient un contre-sens, une faute de goût diplomatique, voire une insulte à la mémoire des luttes panafricaines.

Mais surtout, le timing rend le geste encore plus embarrassant. Comment comprendre qu’un chef d’État africain s’affiche ostensiblement avec la casquette de Donald Trump, alors même que ce dernier, lors de la rencontre avec cinq chefs d’État du continent, a multiplié les signes de mépris ? En face de ses interlocuteurs africains, Trump a adopté une posture ouvertement condescendante, les invitant à se présenter comme lors d’un entretien d’embauche : « Si je pouvais juste avoir votre nom et votre pays, ce serait super », avait-il lancé, prouvant qu’il ignorait jusqu’à leur identité. Il a même cru bon de féliciter le président du Liberia pour son bon anglais, oubliant que l’anglais est la langue officielle de ce pays. Dans ce contexte, l’image d’Oligui Nguema arborant fièrement une casquette MAGA à Libreville n’est pas seulement maladroite : elle devient tragiquement dissonante.

Brice Oligui Nguema aurait pu revenir de Washington avec des engagements diplomatiques structurants ou au moins une posture de neutralité stratégique. Il a préféré arborer la casquette rouge emblématique du président Trump, symbole d’un populisme clivant et d’un agenda très américain, rarement favorable aux pays africains. Ce choix, en apparence anodin, résonne comme un aveu d’alignement politique mal maîtrisé. Dans un monde multipolaire où certains chefs d’État africains revendiquent plus de souveraineté, ce type de geste expose le Gabon à des critiques légitimes.

Là où Joe Biden en 2024, jouait sur le registre de l’humour en terrain politique domestique, en arborant brièvement une casquette MAGA, Oligui, lui, renvoie une image de soumission symbolique à une puissance étrangère, dans une séquence internationale scrutée de près. Et c’est bien là le problème : dans cette Afrique qui aspire à se tenir debout, ce genre de mimétisme est mal perçu. À ce titre, un président ne peut pas se permettre ce que ferait un touriste ou un supporter. Brice Oligui Nguema aurait pu capitaliser sur des accords, des résultats concrets, des projets bilatéraux, mais il a rapporté à Libreville, une casquette MAGA. Et avec elle, un débat sur ce que doit – ou ne doit pas – incarner un chef d’État africain au XXIe siècle.

LSI AFRICA

Commentaires

Vous souhaitez pouvoir ajouter un commentaire à l'article Brice Oligui Nguema, Trump et l’image du Gabon : le choc des symboles, ou faire profiter de votre expérience avec les internautes, ajoutez votre commentaire il sera mis en ligne après validation par notre équipe

Indiquer votre commentaire
Indiquer votre nom
Indiquer votre prénom
Indiquer votre adresse email (utilisateur@domaine.com)

*Champs obligatoire
Conformément à la loi informatique, aux fichiers et aux libertés n°78-17 du 6 janvier 1978, vous disposez d'un droit d'accès et de rectification relatif à toutes informations vous concernant sur simple demande à notre adresse.

Votre commentaire a bien été prise en compte, notre équipe vous envoi un mail de confirmation une fois mis en ligne.

Votre commentaire est en attente de modération. Voir votre commentaire

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés à vos centres d'intérêts.