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ÉDITO

RDC–AES–Russie : alliance stratégique ou erreur historique ?

Alors que le Burkina Faso, le Mali et le Niger sont aujourd’hui parmi les pays les plus meurtris par le terrorisme — malgré une coopération militaire poussée avec la Russie — Kinshasa affiche sa volonté de s’allier à ces mêmes partenaires. Une démarche qui interroge : comment la RDC peut-elle compter sur des États plongés dans des crises sécuritaires sans précédent, incapables de protéger leurs propres populations et de contenir l’expansion djihadiste ?

Crédit Photo : DT
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La volonté exprimée par le vice-Premier ministre congolais de la Défense, Guy Kabombo Muadiamvita, de nouer un partenariat militaire plus étroit avec le Burkina Faso, le Niger et la Russie, interroge profondément. À Bamako, en marge du salon « BAMZEX 25 », le ministre a vanté la vision d’une « Afrique souveraine, maîtresse de sa sécurité ». Mais un constat s’impose : les trois pays sollicités n’ont obtenu aucun résultat probant de leur rapprochement militaire avec Moscou, et certains vivent même une dégradation historique de leur situation sécuritaire.

Au Mali, un blocus de la capitale et une Russie impuissante

Le Mali, hôte du salon, illustre l’échec patent de cette coopération. Depuis deux mois, Bamako est placé sous blocus par les groupes affiliés à Al-Qaïda. Les approvisionnements en carburant sont asphyxiés, les grands axes routiers sont sous contrôle jihadiste et l’État peine à réagir. Malgré l’implantation successive du groupe Wagner puis du groupe paramilitaire russe Africa Corps, la Russie n’a pas réussi à desserrer l’étau, ni à endiguer l’expansion des groupes terroristes. L’épisode récent du meurtre d’un patron de bar libanais à Bamako par un mercenaire russe révèle en outre un climat d’impunité et une présence étrangère devenue source de tensions plutôt que de sécurité.

Au Burkina Faso, un effondrement sécuritaire sans précédent

Le Burkina Faso traverse une période encore plus dramatique. Plus de 15 000 Burkinabè ont fui vers la Côte d’Ivoire ces dernières semaines, poussés par la violence jihadiste. À Barsalogho, dans le nord, entre 300 et 400 paysans ont été massacrés par des combattants jihadistes : la pire tuerie jamais enregistrée dans l’histoire contemporaine du pays. Depuis la prise de pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, plus de 11 000 personnes ont été tuées, civils et militaires confondus. Malgré une coopération intensifiée avec la Russie, malgré l’arrivée de matériels, de conseillers et d’instructeurs, la courbe de la violence continue de grimper. Les chiffres du dernier Indice mondial du terrorisme sont sans appel : sur 7 555 morts causés par le terrorisme dans le monde en 2024, 3 885 se situent au Sahel, soit 51 %. Un centre de gravité de la violence mondiale qui s’est déplacé vers les pays précisément engagés dans ce partenariat militaire avec Moscou.

Le Niger, troisième partenaire convoité, reste sous pression

Au Niger, où la junte arrivée au pouvoir en août 2023 a également privilégié l’option russe, les attaques jihadistes continuent de frapper les régions de Tillabéri, Diffa et Tahoua. Les autorités réclament plus d’engagement militaire russe, mais aucun effet décisif n’est observé sur le terrain. La RDC veut s’allier à des États qui n’ont pas réglé leur propre crise sécuritaire. Face à cette réalité, l’annonce de Kinshasa paraît paradoxale. Alors que la RDC cherche des solutions pour stabiliser l’Est du pays, elle se tourne vers des États dont les armées, pourtant soutenues par Moscou, n’ont pas réussi à contenir l’effondrement sécuritaire. À Bamako, Guy Kabombo a justifié cette démarche par un appel à la solidarité africaine et au partage d’expériences. Il dit vouloir développer la formation, l’ingénierie militaire et l’industrie de défense congolaise. Mais une question domine désormais les analyses : comment la RDC pourrait-elle bénéficier d’une coopération militaire avec des régimes dont les modèles de sécurité sont aujourd’hui en échec ?

Une orientation stratégique à haut risque

Si l’intention affichée de renforcer une autonomie africaine en matière de défense peut séduire, la réalité opérationnelle au Sahel montre : une incapacité persistante à sécuriser les territoires, un essor sans précédent de la violence jihadiste, une dépendance accrue à des acteurs étrangers, et une déstabilisation régionale qui s’aggrave.

S’allier à des États déjà débordés par les crises pose non seulement un problème d’efficacité, mais aussi un risque stratégique : importer des modèles de défense qui n’ont pas fait leurs preuves. Pour la République démocratique du Congo, engagée dans une guerre complexe contre les groupes armés de l’Est, le choix de partenaires doit répondre à un impératif : chercher des solutions qui ont démontré leur capacité à produire des résultats, pas reproduire des impasses.

Paul-Henri MUTEMBA

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