Par Yves-Axel Dossou
Goïta – Traoré : souveraineté à bord des avions russes, la grande contradiction
Ils se proclament gardiens de la souveraineté africaine, dénonçant à chaque discours le joug occidental et les relents du néocolonialisme. Pourtant, Assimi Goïta et Ibrahim Traoré se rendent à Moscou… à bord d’avions de l’État russe. Une contradiction flagrante que leurs soutiens panafricanistes préfèrent ignorer. Et si Alassane Ouattara, Patrice Talon, Oligui Nguema, avaient fait de même avec un avion marqué du drapeau français, que n’aurait-on pas entendu ? Mon billet.
- Politique

Crédit Photo : PRM
Assimi Goita est arrivé dimanche à Moscou.
Ils ont bâti leur légitimité politique sur un mot fétiche : souveraineté. Depuis leur prise de pouvoir par la force, Assimi Goïta au Mali et Ibrahim Traoré au Burkina Faso n’ont cessé de clamer leur volonté de libérer leurs pays de la “tutelle occidentale”, dénonçant les accords coloniaux, les bases françaises et les partenariats jugés “néocoloniaux”. Le tout au nom d’une Afrique libre, debout, affranchie de toute influence étrangère.
Mais la scène à laquelle nous assistons aujourd’hui a quelque chose d’ironique, voire de tragiquement incohérent. Assimi Goïta a effectué ce dimanche une visite officielle à Moscou à bord d’un avion de l’État russe. Quelques semaines plus tôt, Ibrahim Traoré faisait exactement le même voyage… à bord du même type d’appareil mis à disposition par la Russie.
Alors une question mérite d’être posée, avec franchise : que se serait-il passé si Alassane Ouattara, régulièrement accusé d’être “pro-Français”, ou en Patrice Talon du Bénin, Oligui Nguema du Gabon, ou Bola Tinubu, avaient voyagé à bord d’un avion de la République française pour une visite à Paris ?
La réponse est simple : les mêmes voix qui se revendiquent aujourd’hui du panafricanisme auraient hurlé à la trahison, brandi le drapeau rouge du néocolonialisme, et accusé le président ivoirien d’être le valet de l’Élysée. Les réseaux sociaux se seraient enflammés, les slogans anti-CFA auraient ressurgi, et certains influenceurs n’auraient pas hésité à réclamer la destitution immédiate du “collabo”. Mais quand il s’agit de Moscou, tout est soudain justifiable. L’avion officiel russe devient un “geste fraternel”, l’aide militaire russe est vue comme une “coopération désintéressée”, et l’ingérence de Wagner est requalifiée en “partenariat stratégique”. Une double grille de lecture aussi bancale que sélective.
L’histoire, pourtant, nous enseigne que les indépendances réelles ne naissent pas dans la soumission à une autre puissance, fût-elle orientale. À l’époque de la guerre froide, nombre de chefs d’État africains, tel Mobutu ou Mengistu, brandissaient eux aussi le drapeau de la souveraineté tout en s’agenouillant devant Washington ou Moscou. Leur héritage n’est ni glorieux, ni durable.
Dans le cas du Mali et du Burkina Faso, la réalité est désormais limpide : la rupture avec l’Occident n’a pas donné naissance à une autonomie stratégique, mais à une nouvelle dépendance. Les deux régimes empruntent des avions russes, reçoivent des armes russes, dépendent de l’appui sécuritaire et diplomatique de Moscou, tout en prétendant incarner une Afrique libre.
La souveraineté ne se crie pas dans les micros. Elle se construit. Elle s’assume. Et surtout, elle ne voyage pas en jet gouvernemental russe.
Par Yves-Axel Dossou, Étudiant SP- UAC - Bénin.
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