ENTRETIEN
"L'horizon Africain", les obstacles du développement vus par Sophonie Koboudé
Croissance, démographie, éducation, démocratie en Afrique… Un jeune béninois propose de nouvelles idées fortes. "L’horizon africain", c’est le titre d’un Essai, le premier d’une série que signe le jeune béninois, Sophonie KOBOUDE, cadre chez EDF.
- Littérature

Crédit Photo: A. News
Sophonie Koboudé, auteur de "L'horizon africain".
Dans son premier livre, il passe en revue les obstacles au développement du continent africain et propose des solutions quelque peu osées. Entretien avec un jeune africain qui ne manque pas d’idées.
Votre livre expose une idée critique mais optimiste dudevenir du continent africain. Êtes-vous un afro-optimiste ou simplement un afro-réaliste ?
Je me réclame d’être un afro-réaliste. Je considère qu’il ne faut pas tomber dans le piège d’un afro-optimisme aveugle et hors sol devenu une religion dont la profession de foi est : « Il manque de tout donc il y a un réservoir de croissance gigantesque ». L’afro-optimisme qui aurait pu permettre de construire un nouveau récit pour le continent africain s’estmalheureusement transsubstantié en un concept ayant pour seule fonction la laudation inconditionnelle des agrégats macroéconomiques. L’afro-pessismisme n’offre pas mieux car, en tant que concept, il est fondé sur des schémas de pensées traditionnels qui ne permettent pas de percevoir l’Afrique en marche vers le développement. Il faut penser l’Afrique au ras des faits et l’appréhender dans son Histoire.
Vous abordez très clairement la problématique de la démographie dans les pays africains. Selon vous, comment faire pour transformer en atout majeur cette démographie galopante en Afrique ?
Dans la théorie de développement économique, il est largement admis que l’accroissement démographique est un frein au développement car l’objectif du progrès qui est la hausse du revenu par tête est, en effet, la maximisation d’une expression ayant au dénominateur le paramètre population. L’économiste Hans Singer utilisait l’image de la montée d’un escalator dans le sens de la descente pour décrire le caractère nuisible d’un processus de peuplement dans les pays sous-développés. J’ai pris le contre-pied de ces thèses dans mon livre. La démographie africaine sera un atout pour le continent moyennant la mise en œuvre de deux politiques majeures : l’éducation généralisée des enfants et des jeunes et la création d’emplois pour les jeunes formés. Par ailleurs, la faible densité de population en Afrique (44 habitants au kilomètre carré en 2019) a longtemps été une entrave à la diffusion des savoirs et des cultures. De plus, l’Afrique sera forte de son marché intérieur grâce à sa démographie.
Quelques sont les autres défis économiques et sociaux du continent ?
Il y a, en réalité, trois urgences à mon sens : rendre la croissance plus inclusive, lutter contre la fracture énergétique et améliorer l’intégration régionale. La croissance africaine crée des emplois mais pas en nombre suffisant. Il faut retrouver une croissance qui endigue le chômage. Par ailleurs, il faut améliorer l’accès à l’électricité à un coût compétitif,autrement l’Afrique ne pourra pas s’insérer dans le jeu de la mondialisation. Enfin, il faut poursuivre les mécanismes d’intégration. A ce sujet, je me réjouis de la mise en place de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECA) qui est l’aboutissement d’une ambition affichée dans le Plan d’action de Lagos adopté en 1980.
Dans votre Essai, vous évoquez le concept de « démocratie à l’africaine ». Quels sont ses contours et ne craignez-vous de tomber dans le piège de la promotion d’une démocratie délestée de ses piliers fondamentaux ?
Depuis 2000, une dizaine de chefs d’Etats africains ont changé la constitution pour rester au pouvoir. Les classements internationaux ne dressent pas non plus un portrait reluisant du continent africain en matière de « démocratie ». En effet, l’importation de la démocratie libérale a échoué dans l’instauration de l’exigence de l’alternance politique avec des élections transparentes et non truquées. Les structures sociales importées ont montré leur limite. Il faut donc changer de paradigme et refonder un contrat social post-colonial. Ce que j’appelle « démocratie à l’africaine » c’est un système de gouvernance qui, non seulement, minimise la distance entre la sphère politique et la sphère sociale avec des schémas de délégation et de délibération mais aussi implique toute la société dans son ensemble et sa diversité sociologique.
Votre parcours est un peu particulier. Vous avez 25 ans… Ingénieur, diplômé de CentraleSupélec de Paris, vous êtes passionné d’économie de développement. Dans quel cadre de pensée d’intellectuel vous vous situez ?
Je suis simplement un jeune africain engagé sur le terrain des idées. C’est une forme d’engagement parmi tant d’autres. Je participe aux débats via mes tribunes et mon livre. J’ai plusieurs centres d’intérêts. Je suis Data Analyst dans une grande entreprise du secteur de l’énergie. Je suis aussi entrepreneur, j’ai notamment co-fondé l’entreprise de services numériques FindTech au Bénin. Je crois qu’il est temps que l’Afrique soit pensée de l’intérieur et j’invite tout le monde à participer aux réflexions. Je continuerai à apporter ma modeste contribution.
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