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VIOLENCES

[RÉCIT] Manifestations au Tchad, retour sur une journée meurtrière

"Ils sont tombés devant moi": après une journée d'affrontements qui ont fait une cinquantaine de morts et plus de 300 blessés lors de manifestations contre le pouvoir au Tchad, des habitants de N'Djamena, capitale et épicentre de la contestation, ont raconté les violences de la journée.

Crédit Photo : AFP
Crédit Photo : AFP

Des manifestants blessés lors de heurts avec les forces de l'ordre dans un hôpital de N'Djamena, le 20 octobre 2022 au Tchad.

Plusieurs manifestations contre la prolongation de la période de transition et le maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno, jeudi au Tchad, ont entraîné un déchaînement de violences inédit pendant plusieurs heures dans la capitale et certaines villes du pays, faisant une "cinquantaine" de morts et "plus de 300 blessés" selon le gouvernement. 

Des appels à manifester pacifiquement avaient été lancés depuis le début de la semaine, notamment par la plateforme d'opposition Wakit Tamma et le parti Les Transformateurs, dirigé par Succès Masra, l'un des principaux opposants politique à M. Déby. La veille, "j'ai vu des véhicules des forces de l'ordre se garer sur un rond-point près de chez moi. Je pensais que c'était dans le cadre de leurs contrôles de routine et vers 4h du matin, j'ai commencé à entendre des tirs, je ne savais pas d'où ça venait", a expliqué à l'AFP Djim Toide, 75 ans, retraité et résident du quartier de Moursal, au sud de la capitale.

"balles réelles" 

"De la fumée envahissait ma résidence et après une certaine accalmie les tirs ont repris, alors je suis sorti dans la rue pour observer, j'ai vu des jeunes courir partout, poursuivis par les forces de l'ordre", relate l'ancien enseignant, décrivant les nombreux "barrages" érigés sur la route et les jets de pierres des manifestants qui répondaient aux tirs de gaz lacrymogènes des policiers. Réveillée à 2h du matin par les "coups de sifflets des manifestants", Remadji Allataroum, étudiante à l'université de N'Djamena, n'a pas retrouvé le sommeil. Au petit matin, "les manifestants sont sortis de nulle part, ils ont envahi les routes et chantaient +justice, égalité+", se souvient-elle. 

Dans son quartier d'Abena (sud de N'Djamena), l'atmosphère s'est tendue vers 6h quand les policiers sont intervenus et des "altercations" ont éclaté avec les manifestants, poursuit la jeune femme de 25 ans. Après un bref repli des forces de l'ordre vers 7h, "les manifestants en ont profité pour dresser des barricades, brûler des pneus, ils continuaient à chanter", décrit Mme Allataroum.  A leur retour, "les policiers ont commencé à tirer à balles réelles et deux manifestants touchés à la tête sont tombés devant moi. C'était une journée insupportable, invivable, ce n'est qu'en fin d'après-midi que les choses se sont un peu calmées", souffle-t-elle.

Détresse 

Comme tous les matins, Bertrand Teyané devait rejoindre sa rédaction mais jeudi "tout était bloqué par des jeunes qui avaient monté des barricades", détaille le journaliste, précisant avoir vu des "affrontements entre des policiers et de jeunes manifestants". Le père de trois enfants se souvient alors avoir entendu "deux femmes qui lançaient des cris de détresse dans la rue", près de son domicile. "J'ai décidé de sortir pour aller voir et après quelques mètres, j'ai vu deux corps allongés sur le sol, sans vie. L'un était couvert du drapeau bleu, jaune, rouge du Tchad et l'autre n'avait rien sur lui, j'ai vu qu'il y avait du sang et qu'il avait été atteint à l'abdomen", souffle le résident du 6e arrondissement de N'Djamena.  Vers 15h, alors qu'il rend visite à un ami, M. Teyané évoque une atmosphère de désolation dans la capitale, "des carcasses de motos brûlées" ici, "une autre de voiture" près de l'ambassade des Etats-Unis. Autour de lui, des policiers circulent en convoi "armés de fusils semi-automatiques". "Vers 17h, j'ai entendu des coups de feu et je me suis dit que ça recommençait. J'ai attendu que ça cesse pour rentrer chez moi", conclut-il.

Union africaine (UA) et Union européenne (UE) ont "condamné fermement" la répression des manifestations, la première appelant "au respect des vies humaines et des biens" et la seconde regrettant de "graves atteintes aux libertés d'expression et de manifestation qui fragilisent le processus de transition en cours". La France, allié-clé de N'Djamena, a "condamné" les "violences et l'utilisation d'armes létales contre les manifestants".

Par Ali Aba KAYA avec l'AFP.

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