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Ouattara Watts, un artiste rare et confidentiel
Né en 1957 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, Ouattara Watts a compris dès l’enfance qu’il souhaitait devenir peintre lorsque, fasciné par la musique, les danses et les masques des rituels entourant la religion poro, à laquelle il est initié par un proche, il découvre ce qu’il appelle « la peinture en mouvement ».
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Crédit Photo : Robert Banat
Né en 1957 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, Ouattara Watts a compris dès l’enfance qu’il souhaitait devenir peintre lorsque, fasciné par la musique, les danses et les masques des rituels entourant la religion poro, à laquelle il est initié par un proche,
Je peins avec des brosses, des pinceaux, mais beaucoup avec la main, j’aplanis avec mes deux mains nues, j’aime ce contact avec la matière, la peinture, et j’y vais avec mon corps, par des mouvements circulaires empruntés à l’architecture soudanaise du temps où l’argile mélangée avec du beurre de karité a permis à des maisons de tenir debout sur plusieurs générations.
En 1988, il fait la connaissance de Jean-Michel Basquiat. Un coup de foudre amical lie immédiatement les deux hommes. Sur les conseils et avec l’aide de Basquiat, Ouattara Watts quitte la France pour s’installer à New York, où il vit et travaille donc depuis désormais trente ans. Les deux peintres échangent énormément, voyagent ensemble à la Nouvelle-Orléans, et avaient programmé un séjour à Korhogo mais, confronté à la disparition précoce de son ami, Ouattara Watts doit rapidement se faire un nom et une place à la force de son seul talent. Avant la saison culturelle « Africa 2020 » et à la suite de la grande rétrospective consacrée à JeanMichel Basquiat par la Fondation Louis Vuitton, l’Espace Paul Rebeyrolle est heureux d’accueillir et de présenter le travail de Ouattara Watts.
Le parcours, conçu à la fois comme un panorama rétrospectif, une virée initiatique et une explosion de sons et de couleurs à la hauteur de l’énergie et de la générosité de la peinture de Ouattara Watts, présentera près de vingt peintures, parfois monumentales, ainsi qu’un ensemble de travaux sur papier. Puisant dans ses origines et ses expériences cosmopolites, l’artiste a élaboré ces dernières décennies une pratique mêlant intimement la musique et la peinture, composant ses œuvres sur la base d’une spiritualité héritée des rituels magiques et d’une philosophie animiste liant l’homme et la nature. Ses toiles tissent et métissent inlassablement les traditions africaines, l’art moderne et contemporain occidental, l’influence des grands peintres et des compositeurs les plus géniaux du siècle. Sa peinture rappelle que le génie artistique est intemporel et ne connaît pas de frontières : elle est un heureux antidote contre les dérives réactionnaires et les replis identitaires qui font tristement l’actualité internationale. 4 Par ses grandes dimensions autant que la puissance et le plaisir qui se dégagent d’une matière riche et hétéroclite, l’œuvre de Ouattara Watts s’inscrit en parfaite cohérence avec les toiles de Paul Rebeyrolle.
Par son refus d’abandonner la figuration et l’engagement politique aux facilités d’une peinture d’apparat propre aux mondanités culturelles et à l’opportunisme mercantile, Ouattara Watts se révèle, quoique par un biais plus méditatif et symbolique, au diapason du credo artistique de son aîné. Cette exposition est ainsi l’occasion de réparer une suite de rendez-vous manqués entre les deux peintres qui auraient pu se rencontrer.
En effet, débarqué à Paris à la veille de la rétrospective de Rebeyrolle au Grand-Palais, à la fin des années soixante-dix, Ouattara Watts a ensuite quitté la capitale française quelques mois seulement avant la grande exposition organisée en 1988 à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA). Le jeune Ouattara Watts avait d’ailleurs entamé sa formation à l’ENSBA auprès du peintre Jacques Yankel, ancien pensionnaire de La Ruche qui, le premier, lui avait conseillé de porter attention au travail de Rebeyrolle. Aussi, même s’il n’a jamais rencontré l’homme, Ouattara Watts connaissait déjà son œuvre.
Les habitués de l’Espace Paul Rebeyrolle se remémoreront les expositions passées : des Botchios Fon du Bénin à Michel Leiris, de Picasso à Dubuffet, de Miró à Michel Macréau, d’Antoni Clavé à Erró… Ouattara Watts vient confirmer la cohérence du programme d’expositions temporaires initié depuis la création, en 1995, d’un lieu privilégié que Rebeyrolle lui-même concevait comme un « bastion » dédié à la défense passionnée de la vitalité artistique. Engagement est tenu, une nouvelle fois, avec cette présentation d’un artiste encore trop rare et confidentiel en France.
Stéphane Vacquier
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