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ENTRETIEN

CAN2023: pour Alain Lobognon, «l’enjeu est de battre le Mali avec la manière»

Alain Lobognon a joué un rôle crucial lors de la victoire des Éléphants en 2015 en Guinée équatoriale. L'ancien ministre ivoirien des Sports revient en exclusivité pour LSI AFRICA sur le parcours des Éléphants à la CAN2023, le limogeage de Jean-Louis Gasset, l'organisation de cette compétition par son pays, et les chances d'une troisième étoile pour la sélection nationale ivoirienne. Connaisseur du football, personnage souvent cash, Alain Lobognon, l'une des personnalités les plus geek de la Côte d'Ivoire, s'exprime sur LSI AFRICA. 

 

Crédit Photo : MS/CI
Crédit Photo : MS/CI

Alain Lobognon, ancien Ministre des Soorts de la Côte d’Ivoire.

Monsieur le ministre, Félicitations pour la qualification de la Côte d'Ivoire ! Comment analysez-vous la performance réalisée par les Éléphants, qui sortent le champion en titre ? 

La victoire des Éléphants surprend ceux qui pensent qu’une équipe de football qui enregistre de mauvais résultats est condamnée à perdre un match capital comme le 1/8e de final face au Sénégal que les garçons ont dominé avant de s’imposer aux tirs aux buts. Si l’on admet que le football n’est pas une science exacte, il ne faut jamais oublier que l’équipe qui encaisse des buts sans en marquer est perdante. Il fallait du courage à ces jeunes pour se racheter après les deux matches humiliants pour le pays organisateur. Le coup de massue était tel que seule une victoire face au Sénégal leur aurait permet de laver l’opprobre. A présent que l’honneur est retrouvé, les Éléphants sont sur une voie bien dégagée. Je n’ai pas de doute qu’ils en sont désormais très conscients.

Quels sont les éléments clés qui, selon vous, ont contribué au succès de l'équipe face au Sénégal ? 

Pour moi, nos joueurs savaient qu’ils n’avaient plus aucune excuse après leur non-match face aux Équato-Guinéens . J’imagine que les discours de leur coach et de la fédération ont été des éléments déclencheurs pour fouetter la fierté nationale qui a semblé leur manquer lors de la lourde défaite du 22 janvier 2024. Ils ont aussi entendu et lu les colères et les peines des Ivoiriens avec le Président de la République à leur tête, qui se sont sentis trahis par ceux sur lesquels ils comptent pour défendre à domicile le drapeau national dans le cadre de cette Can2023. Quand on porte les couleurs de la Côte d’Ivoire, on se dit qu’on ne doit pas décevoir le Peuple mobilisé qui vous pousse et qui n’a jamais abandonné, même quand l’équipe perd. Je crois aussi que les joueurs, leurs encadreurs et la fédération ont mesuré la déception et l’espoir que dégageaient les mots du Président de la République, qui au lendemain de l’humiliation, a eu un discours qui a mobilisé de nouveau les Ivoiriens qui rêvent tous d’un nouveau sacre continental. Enfin, il y a le changement intervenu à la tête de l’encadrement technique avec la nomination de FAÉ Émerse.

Les Éléphants ont joué quatre matchs. Quel regard portez-vous sur l’équipe et sur ses différentes prestations ? Fallait-il limoger Jean-Louis Gasset ?

Quand on aime son pays, on veut toujours voir son équipe nationale gagner. Quand on est Ivoirien, non seulement la victoire est importante, mais on s’attend à voir les Éléphants livrer un football chatoyant. Les Ivoiriens sont très exigeants. Pas convaincus par le premier match, même si l’excuse est de dire que jouant devant leur public, les Éléphants ont dû affronter une grosse pression, les Ivoiriens ne s’attendaient pas à les voir perdre ces deux rencontres devant le Nigéria et la Guinée équatoriale qui auraient pu nous éliminer. Heureusement que les Dieux stades ont trouvé d’autres équipes moins performantes dont les résultats nous ont permis d’arriver en 16ème position sur 24 nations présentes à la CAN 2023. Au cours du quatrième match, les Éléphants ont confirmé qu’ils  jouent souvent en fonction de l’adversaire. Ce match doit rester une référence. 

Sur le cas de l’entraîneur Gasset, pour avoir été Ministre des sports, je suis l’avocat des compétences locales. Par le passé, la Côte d’Ivoire a eu des entraîneurs nationaux et je n’ai jamais compris la rupture voire l’entêtement à toujours chercher un expatrié pour les Éléphants. Quels diplômes ont-ils que n’ont pas les anciens footballeurs Ivoiriens devenus entraîneurs? Petite confidence. Lors de la CAN 2015 à Malabo, Hervé Renard ne s’est pas passé, des conseils du doyen Yéo Martial, premier Ivoirien à avoir donné à la Côte d’Ivoire sa première étoile en 1992 au Sénégal. Je l’avais fait voyager en Guinée équatoriale. Alors quand nous avons été humiliés par la Guinée équatoriale, il devenait évident de laisser FAÉ Émerse prendre l’équipe en main. D’ailleurs à la mi-temps du match, j’avais demandé sur mon compte X de confier pour la suite de la compétition, FAÉ Émerse. Pour moi, c’était ce que j’ai qualifié « d’urgence sportive si nous voulons aller jusqu’en finale ». Alors personne n’a pu mesurer ma certitude quand je me projetais sur la suite de la compétition avec 4 finales à jouer et à gagner. 

 Quel est selon vous l’enjeu du match des quarts de finale face au Mali ? L’affaire des 49 soldats a empoisonné les relations entre les deux pays et la junte malienne n’a pas souvent été tendre avec le pouvoir ivoirien.

Le seul enjeu ici est de battre le Mali avec la manière pour atteindre la 1/2 finale. L’affaire des 49 soldats doit être détachée de ce match, même si les Maliens continuent maladroitement de penser que la Côte d’Ivoire est responsable de leurs échecs depuis l’accession de nos pays à l’indépendance en 1960. C’est normal qu’un pays comme le Mali cherche à se comparer à un pays  frère comme la Côte d’Ivoire. Nous sommes son voisin. Même si pour moi, les militaires nostalgiques des dictateurs et des autocraties, qui refusent de lâcher le pouvoir d’Etat à Bamako, devraient plutôt se comparer à la Somalie ou à l’Ouganda d’Idi Amin Dada. Ils peuvent toujours durcir leurs discours lorsqu’il s’agit de la Côte d’Ivoire, mais avouons ici que le match se jouera sur le terrain vert dans un stade acquis à la cause de nos Éléphants. Un stade qui porte un nom prémonitoire : Stade de la Paix. Le président Houphouët-Boigny disait que la Paix est la seconde religion des Ivoiriens. Face à leurs diatribes, les Ivoiriens offriront des rires et des pas de danses. Nos Éléphants doivent jouer sans penser aux anciens otages Ivoiriens au Mali. Ils doivent gagner pour leur pays. Car je le dis souvent, les joueurs de l’équipe nationale sont l’équivalent au football, des soldats dans l’armée, qui portent le treillis et l’arme pour la défense de la Nation ivoirienne. Après, ils pourront dédier leur victoire aux 49 soldats pris en otages au Mali.

Sur un volet sportif, les Éléphants peuvent-ils se qualifier face au Mali ? Quelle sera la clé pour une victoire samedi ? 

J’entends ici et là que nous devons rester humbles. Oui, l’humilité doit habiter les joueurs qui affronteront l’équipe du Mali. Mais en tant que supporter des Éléphants, mon rôle à moi est d’encourager mes garçons à livrer un grand match inoubliable pour se qualifier pour la 1/2 finale. Le rôle du supporter c’est de pousser son équipe à la victoire. Et connaissant cette équipe du Mali qui compte dans son effectif des joueurs recrutés en Côte d’Ivoire et formés au Mali par l’académie Jean Marc Guillou, je n’ai aucun doute sur l’état d’esprit de nos joueurs qui comprennent très vite les consignes de leur nouveau coach. Les Maliens se passeront-ils des joueurs soupçonnés d’appartenir et d’être originaires de la Côte d’Ivoire? On le saura samedi à Bouaké. Pour moi, Ce match se jouera au mental et à l’engagement des joueurs, de nos garçons. 

Vous étiez à la tête du ministère ivoirien des Sports en 2015, et vous avez donc vécu de très près le succès des Éléphants. Y croyez-vous cette année ? La troisième étoile est-elle possible pour la Côte d’Ivoire ? 

Je suis de nature optimiste. Et pour avoir découvert à la veille de la CAN 2015 à Malabo, les vraies raisons de nos échecs successifs en coupe d’Afrique, je n’ai aucun doute que les Éléphants qui sont désormais à trois finales à leur portée dans cette CAN 2023, sont capables de décrocher la troisième étoile de la Côte d’Ivoire. Surtout qu’ils jouent à domicile et qu’ils ne manquent de rien. Ils viennent d’avoir un coach qui sait leur parler. Leur coach FAÉ Émerse a porté avant eux, le maillot des Éléphants. 

Du point de vue de l’organisation, quel regard portez-vous sur cette édition 2023 de la Coupe d’Afrique des nations ? Pari réussi pour la Côte d’Ivoire ? La question de l’affluence dans les stades se pose toujours, avez-vous une recette magique ? 

Nul besoin de remettre en cause les premiers satisfécits déjà décernés à la Côte d’Ivoire par le milieu mondial du football. La CAN 2024 est un succès au plan de l’organisation. Permettez-moi ici de féliciter mon ainé le Ministre Amichia. Je n’oublie pas de relever l’implication de l’Exécutif ivoirien qui a très vite compris l’importance d’une telle compétition, et les retombées pour la Côte d’Ivoire. S’agissant de l’affluence dans les stades, cela ne constitue pas pour moi un problème. Même si au début, la question de la billetterie s’est posée avant d’être réglée. Pour les prochains matches, la demande de billets sera encore plus forte, parce que certains Ivoiriens veulent faire le tour des stades pour voir les équipes jouer. Ma déception réside plutôt du côté des communautés ouest-africaines basées en Côte d’Ivoire qui ne se sont pas massivement mobilisées pour remplir les stades quand jouaient leurs pays. Heureusement que les Ivoiriens ont fait la différence en dépassant les prévisions des observateurs. Il va s’agir désormais pour les prochains pays organisateurs de battre les records observés en Côte d’Ivoire.

« La CAN n’apporte rien à nos pays africains et elle est budgétivore ». Cette petite musique est souvent entendue. Partagez-vous cet avis ? 

Vous l’avez bien dit! Il s’agit de petite musique. La CAN est la compétition phare des pays africains. Pourquoi devraient-ils s’attendre à voir les Asiatiques ou les Occidentaux financer ce qu’il leur appartient? Les auteurs de ces compositions musicales sont de mauvais hommes politiques pour qui, tout doit être source de polémiques. La CAN est une aubaine pour les pays africains de rattraper leur retard sur le plan des infrastructures sportives, routières, hospitalières, ainsi que aéroportuaires. Aucun Ivoirien ne dira que la CAN n’a rien apporté à son pays. Ceux qui m’ont vu chanter et dénoncer pendant de longs mois l’état d’impraticabilité de la Côtière, savent aujourd’hui comment dans la perspective de la CAN 2023, la voie routière qui relie les deux ports ivoiriens d’Abidjan et de San-Pedro, a été rénovée. Je vous invite à vous arrêter à Fresco. La Commune a bénéficié de plusieurs kilomètres de bitume. Si la Côte d’Ivoire n’avait pas postulé en 2013 pour abriter la coupe d’Afrique en 2024, plusieurs projets seraient encore rangés dans les tiroirs des ministères. 

 

LSI AFRICA

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